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Pourquoi les armées étrangères prennent pour cible le territoire de la RD Congo

Pourquoi les armées étrangères prennent pour cible le territoire de la RD Congo

Les derniers conseils de ministres du gouvernement congolais ont souligné, en rouge, les présences momentanées ou perpétuelles des armées de pays de la région sur son territoire. Plusieurs autres enquêtes, rapports ou dénonciations abondent dans le même sens. La réaction de Kinshasa, elle, paraît inadaptée, théorique. En présentant les détails, le Congo sort visiblement encerclé, et la situation sur le terrain, complexe. Ceci porte à croire à la ligne précédente. Reprenons en synthèse le décor ressorti des éléments documentés, ceux qui portent affirmations : Le Rwanda opère dans la région comprise entre les hauts plateaux de Minembwe aux plaines de Rutshuru, l’Ouganda accusé de prendre les rebelles ougandais d’ADF de prétexte pour s’introduire dans le Congo profond à partir du parc de Virunga, le Burundi a ses militaires en permanence au Congo rapporte le renseignement rwandais, la République centrafricaine a récemment selon un député national mené son raid dans le Nord-Ubangi, sans compter les incursions angolaises au sud-ouest et l’occupation zambienne au sud-est…

Pourquoi les frontières congolaises sont aussi poreuses ? Une question que veut répondre Didier Mbuyi, expert congolais en communication, dans une longue analyse publiée sur son compte Facebook officiel.

« Tantôt pour leurs visées expansionnistes, tantôt pour la défense de leurs territoires, tantôt pour les deux raisons à la fois, les voisins de la RD Congo, de plus en plus, prennent pied sur son sol (…) Le monde s’est fait à coups d’épée ! Quand on comprend cela, on considère du coup les relations internationales comme des rapports des forces ! Nos voisins nous ont longtemps observés, analysés, étudiés… Et surtout suivi comment nous avons géré le cas classique du Rwanda, nos contradictions, nos turpitudes, notre incapacité pathologique à faire taire nos querelles d’épiciers congolo-congolaises, pour nous accorder à défendre la patrie face à l’envahisseur. »

Et de s’indigner, « au-delà de nos frontières nationales, on commence à être convaincu que nous sommes un pays tellement bête que son peuple s’offre le luxe de manifester pour des leaders corrompus, des gourous rebelles; et de rester indifférent face aux agressions extérieures, face à ce qui représente son intérêt suprême ! »

En un an, sept armées étrangères se sont offert des escapades dans les forêts congolaises. Une d’entre elles occupe et revendique deux territoires qu’il désire annexer, le Congo s’appuie sur une organisation sous régionale pour régler le différend. Le compte.

En avril 2019, plusieurs incursions d’une centaine de militaires de l’armée angolaise ont été signalées par des sources sécuritaires dans le Kongo Central au sud-ouest du pays. Une prétendue présence d’un mouvement rebelle hostile au pouvoir angolais, le Front de libération de l’enclave de Cabinda (FLEC), serait la raison de ses entrées répétées.

Dans une enquête de Radio France Internationale publiée fin avril, un cadre du groupe armé Rwanda National Congress (RNC) du général rwandais dissident Kayumba Nyamwassa qui opère clandestinement

à l’est du Congo, rapporte un accrochage entre leurs combattants et l’armée rwandaise le long d’une rivière dans le Masisi, début juin 2019. La question des intrusions rwandaises, devenue « classique » s’il faut reprendre monsieur Mbuyi, tirerait-elle sa complexité entre autres dans les rivalités internes qui existent entre les Tutsi du Nord et ceux du Sud-Kivu, que le général Gabby Moustapha Mukiza souligne dans son essai « L’espoir au-delà de larmes », paru en 2014 dans les éditions Terabytes ? « Les tutsi du Nord-Kivu sont plus proches du Rwanda que ceux du Sud-Kivu (Mule – Minembwe), mais tous sont des Tutsi, dans les us et coutumes du point de vue approche géographique et morphologique. (…) Les tutsi du Nord-Kivu sont proches des Rwandais vu qu’ils partagent par fait naturel (frontières) le train-train quotidien commun et vu les nombreux rapports économiques qu’ils partagent au quotidien », a dit le général.

Fin avril devant la presse, le président rwandais Paul Kagame, niant la présence discrète de son armée sur le sol congolais, a révélé celle burundaise : « Nos services de renseignement ont bel et bien mené des enquêtes dont les résultats ont été partagés à ceux qui veulent en faire bon usage. Ces derniers temps, la présence des forces de sécurité et des militaires du Burundi est déjà confirmée sur le sol congolais. Ils sont là. »

À Kinshasa, la députée nationale Geneviève Inagosi Kasongo a, dans sa question lors de la plénière du mercredi 20 mai 2020 adressée au vice-premier ministre en charge de l’Intérieur, sécurité et affaires coutumières Gilbert Kankonde, dénoncé les opérations de l’armée centrafricaine dans le territoire congolais pour « traquer leurs rebelles. »

Le compte rendu du dernier conseil de ministres rapporte les incursions de militaires sud-soudanais dans les provinces de l’Ituri et du Hait-Uélé et revenu sur la présence de l’armée zambienne dans le territoire de Moba en province de Tanganyika ou les troupes congolaises demeurent en alerte afin de faire face à la menace au cas où les négociations menées sous l’égide de la SADC (une organisation sous régionale, ndlr) n’aboutissaient pas.

Certains experts évoquent les questions de moyens financiers. En comparaison, la France qui représente moins de quatre fois la superficie congolaise prévoit d’allouer en 2020 à sa défense jusqu’à 37,5 milliards d’euros, soit plus de 40 milliards de dollars, 8 fois le budget global de la RD Congo. Le budget total alloué à la défense pour l’exercice 2018-2019 en Afrique du Sud est de 47,9 milliards de rands, environ 4,10 milliards de dollars, près de 80 pourcents des prévisions budgétaires totales de l’ex-Zaïre pour 2020. Imaginez le vide.

Bien que le site américain Global Fire Power classe le Congo huitième puissance militaire africaine au regard du nombre de militaires actifs, de la force navale, de la disponibilité du carburant pour les opérations militaires, du nombre d’avions de chasse, du budget consacré à la défense et de la flexibilité logistique… Aux vues des faits, ses frontières restent largement perméables.

Tony-Antoine Dibendila

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