Depuis plus de vingt ans, la partie orientale de la République démocratique du Congo, précisément les régions des Kivu et Ituri, est en proie à l’insécurité en raison de la présence des dizaines des groupes armés locaux et étrangers. Lundi dernier, l’ex-premier ministre devenu opposant Adolphe Muzito a appelé à la guerre contre le Rwanda, ce voisin de l’est qu’il accuse d’être derrière la déstabilisation de son pays. Ce vendredi, le classement de puissances militaires mondiales du site américain Global Fire Power démontre que la RDC a les moyens militaire d’ « annexer » son voisin.

Annexion, c’est aussi le souhait de Muzito, qui est actuellement à la tête de la présidence tournante de Lamuka, la principale plateforme politique d’opposition. « Il faut faire la guerre au Rwanda pour rétablir la paix dans la région. Le Rwanda influe sur la politique congolaise. L’Ouganda aussi. Nous ne pouvons faire la paix qu’en menaçant le Rwanda, en occupant son territoire, si possible annexer le Rwanda », a dit l’ancien premier ministre au cours d’une conférence de presse.

Une déclaration belliqueuse qui a tellement agité les milieux politiques congolais. Les prises de position ont fusé de toute part, l’ancien gouverneur du Katanga Moïse Katumbi et l’ex-vice-président congolais Jean-Pierre Bemba, tous deux actuellement opposants et leaders de Lamuka, ont demandé à Muzito de revenir sur ses propos, lorsque l’opinion reste très divisée.

« Ce n’est pas parce que Muzito a parlé à haute voix qu’il faille le crucifier. Son idée bouillonne dans chaque congolais depuis 20 ans, y compris au sein des institutions. Elle traduit le souci de bâtir un état fort, à l’abri des menaces et qui protège son peuple et son territoire », a réagit le républicain Claudel-André Lubaya en soutien à cette posture guerrière du coordonnateur de Lamuka.

Et le député national Delly Sessanga de s’opposer : « la guerre contre les voisins n’est ni un discours ni une vision d’avenir. La vocation de la RDC est d’être une puissance forte au service de la paix et de la stabilité de l’Afrique. L’enfer ce ne sont pas les autres. Ces sont les turpitudes internes qui nous placent en deçà des enjeux. »

Il ne fallait pas s’attendre à ce classement de Global Fire Power, qui ravive la tension et redonne du zèle aux congolais partisans de « la solution finale ». Le site américain a publié une liste des armées mondiales, qui se base sur une cinquantaine de critères tels le nombre de militaires actifs, la force navale, la disponibilité du carburant pour les opérations militaires, le nombre d’avions mis à la disposition de l’armée, le budget consacré à la défense, la flexibilité logistique… Un classement global qui analyse 34 armées africaines, dont la RDC est 9ème et le Rwanda non repris.

Global Fire Power estime à 134.000 le nombre de personnels militaires de l’armée congolaise, qui possède 41 appareils aériens dont 14 d’attaque et 8 de transport. S’ajoutent 175 tanks de combat et 100 véhicules blindés, 20 navires possédant un patrouilleur, et 40 bâtiments de la marine marchande, avec un budget de 162 millions de dollars américains, et 457 millions de réserves en devises et or…

Dans son article paru le 22 décembre dernier, rapportant l’entretien accordé au magazine Jeune Afrique par le président congolais Félix Tshisekedi, le directeur de ce média Marwane Ben-Yamed décrit le Congo comme « une nation fragile(…), attaquée de toutes parts, par les grandes puissances, qui y ont des intérêts économiques stratégiques, et par ses voisins, qui y exportent parfois leurs propres problèmes ou entendent se servir à moindres frais ». Dans un tel contexte de prédation liée à l’omniprésence des intérêts étrangers sous la bénédiction de premières puissances militaires mondiales, est-il réfléchi de déclencher une guerre contre l’arbre qui cache la forêt ?

Tony-Antoine Dibendila